• Pétrole prébiotique

    Initialisation du métabolisme dans le pétrole abiotique


    début de rédaction dans wikiversité 150611

    Sommaire

    Introduction

      Ce travail se veut une recherche théorique sur l'évolution moléculaire qui se produit dans le pétrole abiotique et qui pourrait aboutir à l'émergence de la vie. Une poche de pétrole abiotique analogue à celle du pétrole fossile constitue un environnement idéal pour l'étude de l'origine de la vie. C'est un milieu fermé, stable, riche en molécules organiques et en catalyseurs minéraux, évoluant et remontant à un rythme géologique des profondeurs de la croûte terrestre à la surface. En passant progressivement des conditions physico-chimiques extrêmes des profondeurs à celles de la surface, compatibles avec la vie, toute évolution moléculaire qu'on puisse imaginer y est possible.
      Le pétrole synthétique, pourrait être utilisé dans une expérimentation abiotique. Mais il est synthétisé par le procédé industriel de Fischer-Tropsch à partir du gaz de synthèse, CO+H2, lui-même synthétisé soit du coke (C+H2O) soit du gaz naturel(CH4+H2O) tous deux d'origine fossile. Pour arriver à un pétrole abiotique, analogue au pétrole fossile, il faut que sa synthèse se fasse en présence des éléments N P S, avec des molécules d'origine abiotique, en profondeur dans la croûte et qu'il remonte imbibé dans une roche poreuse exempte de toute molécule d'origine biogénique.
      Avant d'étudier l'initialisation du métabolisme dans ce contexte, nous allons établir l'état des connaissances sur les processus géochimiques produisant du pétrole abiotique accompagné des éléments N P S sous forme abiotique aussi.

    État de la recherche sur la poche de pétrole abiotique

      Ce sera plutôt l'état de la recherche sur les éléments de la poche qui la composeraient. Car aucun travail n'a été fait jusqu'à maintenant à son sujet. Ces éléments sont les hydrocarbures et l'eau (H C O), le phosphate libre (P) et l'ion ammonium(N). Nous n'étudierons pas le soufre (S) spécialement, car ses espèces moléculaires qui interviennent dans le vivant, sulfures, sulfates et l'élément S lui-même sont omniprésents dans la lithosphère et l'hydrosphère.
      Pour l'azote, NH4+ est l'espèce la plus présente en profondeur, aux hautes pressions et aux hautes températures, car dans les minéraux il remplace l'ion potassium K+. Au contraire, en surface et aux pressions et températures de la poche de pétrole fossile, ce sont les nitrates qui représentent l'azote, car l'ammonium est utilisé directement par les bactéries. Le diazote N2 dissout dans les eaux interstitielles à 11 ppm, peut être réduit en NH4+ en présence de H2 dans les fluides hydrothermaux ce qui n'est pas le cas en surface et dans la poche de pétrole fossile.

    Sur le terrain

    Le phosphate

      - Le phosphore est présent à 700 ppm molaire( 1050 ppm massique [1]) dans la croûte terrestre sous forme, la plupart du temps, d'ions phosphates intégrés dans les apatites insolubles et à 0,04 ppm molaire (2µmol/kg, Broecker & Peng [2] 1982) dans l'eau des océans sous forme de phosphates libres.
      - Aux températures généralement atteintes dans les magmas, 1000-1400 °C, une fraction des ions phosphates dans le liquide magmatique se polymérise pour former des polyphosphates. Yamagata[3] et al. (1991) a démontré que des polyphosphates sont présents dans les solutions hydrothermales à une concentration de l'ordre du micromolaire.
      - D'après Arrhenius[4] et al. (1997), dans l'eau de mer (Mg/Ca ~ 5 et pH < 8.5 ) les phosphates provenant du lessivage des terres émergées, précipitent sous forme d'un solide amorphe d'hydrogénophosphates de Ca et de Mg (brushite[5], CaHPO4.2H2O et newberyite[6], MgHPO4.3H2O).
      Ce solide cristallise en whitlockite[7], HMgCa9(PO4)7, capable de donner des oligo-phosphates dans les conditions de température et de pression du métamorphisme de contact ou de celles des sources hydrothermales de surface. D'après Arrhenius [4] , aujourd'hui, les êtres vivants utilisent les hydrogénophosphates et les transforment en apatites. Et aux origines de la vie, les oligophosphates seraient très disponibles.
      - On trouve la whitlockite comme minéral secondaire dans les pegmatites granitiques et en abondance dans les environnements extraterrestres : les météorites, sur la Lune et sur Mars.

    L'ammonium

       - L'azote est présent à 35 ppm massique(50 ppm molaire) dans la croûte terrestre sous forme d'ions ammonium remplaçant les ions potassium dans les roches ignées (Hall [8] 1999, Stevenson [9] et al. 1962) .
       D'après Hall la majorité de cet ammonium est d'origine sédimentaire, mais une partie est d'origine magmatique. L'origine sédimentaire est incorporée majoritairement par altération hydrothermale, le reste par métamorphisme de contact. L'ammonium des roches ignées peut être extrait par pyrolyse sous vide à 1000 °C sous la pression standard (Hall [10] et al. 1993). Ce qui correspond peut-être aux conditions du manteau supérieur.
       - Les nitrates, très rares, sont représentés par les évaporites en surface. Les nitrates dissouts ne représentent que 0,6 ppm molaire (30 µmol/L, Broecker & Peng [2] 1982) dans les océans.
       - Dans l'eau de mer et les eaux interstitielles le diazote est la forme prédominante avec 11 ppm molaire (590 µmol/L, Broecker & Peng [2] 1982 ); le diazote peut être réduit en NH3 par H2 des fluides hydrothermaux.

    Le pétrole abiotique

    C'est essentiellement le processus de serpentisation qui a été étudié sur le terrain , pour la recherche du pétrole abiotique. Et notamment au niveau des dorsales océaniques et aux premiers kilomètres de profondeur des zones de subduction.

    • Dorsales océaniques.
    Les dorsales océaniques s'étalent sur 60 000 km et sont parsemées régulièrement de sources hydrothermales qui produisent sur de longues durées H2S, CH4, H2, N2 et CO2. Ces 5 gaz sont refroidis brusquement à 2 °C, la température des fonds marins, à la sortie des sources et se retrouvent sur le plancher océanique, sous des pressions de 100 à 400 bars et plus, où ils peuvent former des clathrates de gaz. En s'éloignant de l'axe des dorsales, ils seront recouverts petit à petit de sédiments contenant les hydrogénates de phosphate qu'on a vu ci-dessus.
    Voici en condensé, les résultats des campagnes de mesures faites dans 7 sources hydrothermales de l'Atlantique, d'après Charlou [11] et al. (2002), table 1.
    Tableau 1. Les gaz produits sur les dorsales atlantiques.
    Gaz
    mmol/kg
    nombre
    de sites
    intervalle   Eau de mer
    CO2 6 5.2 - 28 2.30
    N2 6 .9 - 3 .59
    H2S 7 .5 - 11 0
    CH4 7 .023 - 2.63 .0003
    H2 7 .020 - 16 .0004
    δ13C CH4
    en ‰
    6 -8 . -19,6 -
    Au site Rainbow (Charlou [11] et al. 2002, table 3) les mesures ont été faites en 1997, 1998, 1999 et 2001. Elles ne varient guère .
    Par ailleurs la mesure du fractionnement isotopique du 13C pour CH4 (δ13C) laisse penser à une origine abiotique. Le méthane serait synthétisé par le processus Fischer-Tropsch .
    L'origine abiotique du méthane a été étudiée plus en détail par Proskurowski [12] et al. (2008), en montrant l'augmentation du δ13C pour C2H6 et C3H8 avec le nombre de carbones, conforme à la théorie du fractionnement abiotique.
    • Zones de subduction
    Au contact des 2 plaques en subduction, les processus géochimiques sont multiples et complexes, dus aux forces gigantesques mises en jeu, sans commune mesure avec ce qui se passe sur les dorsales océaniques. Au niveau des fosses océaniques les pressions peuvent atteindre le kbar et la température n'est que de 2 °C.
    Aux premiers km de profondeur ce sont donc des processus à basse température et haute pression qui sont en action. Le faciès schiste-bleu se situe ainsi à 15-18 km de profondeur avec des pressions supérieures à 6 kbar et des températures entre 200 et 500 °C. Les roches ultramafiques vont se métamorphoser en lizardites, qui sont des serpentinites. D'après la synthèse sur les serpentinites faite par B.W. Evans [13] (2004), la serpentinisation peut se produire entre 50 et 300 °C de température et dans une large gamme de pression, de 0.1 kbar à 10 kbar (figure 5 [13]), pour donner de la chrysotile[14] ( Mg3Si2O5(OH)4 ) et de la lizardite[15] ( Mg3Si2O5(OH)4 ) avec production de H2 et de magnétite.
    Au-delà de 18 km de profondeur, la serpentinisation des roches ultramafiques donnera de l'antigorite[16] ( (Mg,Fe++)3Si2O5(OH)4 ) sans production de H2 ni de magnétite à une température entre 400 et 600 °C (Evans [17] 2010).
    Pour les zones de subduction, ce sont là les seuls résultats qu'on puissent déduire indirectement, de l'étude des roches et des anomalies magnétiques et sismiques au niveau de la zone avant de l'arc volcanique.
    Sinon de nombreux phénomènes en surface laissent penser qu'il y aurait production d'hydrocarbures, mais dont on ne sait pas, jusqu'à maintenant, s'ils sont de nature fossile ou abiotique. Ce sont :
    1. Les volcans de boue à l'avant de l'arc, qui émettent beaucoup de méthane.
    2. Les hydrates de gaz repérés par de nouvelles techniques tout le long des zones de subduction, d'une longueur équivalente aux dorsales océaniques. Ces gisements ne sont pas encore exploités.
    3. Les gaz de schiste et les schistes bitumeux, roches issues des zones de métamorphisme.
    4. Les gaz volcaniques qui comprennent CH4, H2 et NH3.
    Il ne faut pas oublier aussi la forte circulation hydrothermale vers le haut, produite par la vaporisation de l'eau et des gaz qui imbibent la croûte océanique en subduction. Ces fluides hydrothermaux transportent notamment des ions NH4+ qui remplacent les ions K+ dans les roches métamorphiques comme on l'a vu précédemment, ainsi que du phosphate libre[3].

    En laboratoire

       Les expérimentations abiotiques en laboratoire sont beaucoup plus nombreuses et variées que les mesures sur le terrain, et elles concernent les 3 molécules clés que sont le méthane, l'ammoniac et le phosphate. Le rapprochement de la synthèse de ces 3 molécules dans le tableau 2, est justifié du fait que, elles et les molécules qui leur donnent naissance, c'est-à-dire H2, CO2 et N2 se retrouvent toujours ensemble dans les fluides hydrothermaux. Et cette situation est tout à fait adéquate pour la formation de poche de pétrole abiotique contenant les éléments N P S.
       Les expériences rapportées au tableau 2, n'ont pas été faites toutes dans le même esprit, ni dans l'objectif de la poche de pétrole abiotique. Cependant les résultats sont compatibles avec la formation d'une poche abiotique. Les principaux enseignements qu'on peut en tirer sont :

    1. Ces processus se produisent dans une gamme de températures étroite, autour de 300 °C ;
    2. La pression peut varier beaucoup pour un même processus, jusqu'à 2 ordres de grandeurs, mais reste inférieure à 10 kbar pour tous les processus.
    3. L'état supercritique des expériences hydrothermales permettent de les mettre en parallèle avec les procédés industriels en phase gazeuse et à faible pression. On a ajouté le vaporeformage car il peut se produire en subduction, comme l'attestent les gaz volcaniques des arcs de subduction.
    4. Les catalyseurs utilisés, notamment le fer, son oxyde et le nickel, sont abondants dans la lithosphère.
    5. Il faut noter l'importance des surfaces minérales dans les procédés industriels. Il est primordial que les expériences pour l'objectif « poche abiotiques » soient faites dans des roches poreuses adéquates.
    6. Les expériences hydrothermales sont motivées par l'hypothèse que l'origine de la vie s'est produite (ou se produit) au niveau des dorsales océaniques. Or il est évident que la trempe immédiate de H2, CO2 et N2, dans l'eau froide du plancher ne devrait pas du tout favoriser les processus de type Fischer-Tropsch et la réduction du N2 par les processus de type Haber-Bosch. Mais les résultats sont intéressants car les expériences sont faites à haute pression et haute température qui sont les conditions des zones de subduction. De même c'est intéressant pour les processus se déroulant dans les hydrates de gaz, qu'on a vu précédemment, quand ils seront recouverts de quelques km de sédiments tout en subissant la chaleur du plancher qui se refroidit.
    7. McCollom [18] a pu démontrer, ligne e.j du tableau, que la discrimination entre biotique et abiotique sur la base du fractionnement des carbones 12 et 13 n'était pas valable pour le méthane. C'est pour ça que pour démontrer la nature abiotique des hydrocarbures au niveau des dorsales, Proskurowski [12] a dû le faire pour les chaines d'hydrocarbures supérieures. Cette remarque a une grande importance pour la suite, car si l'origine de la vie s'était faite dans le pétrole abiotique, alors les êtres issus de ce pétrole auraient pu transformer, ou seulement enrichir, avec leurs membranes, les hydrocarbures abiotiques en hydrocarbures biotiques. De là l'origine biotique des pétroles dits fossiles.
    8. Ces expériences doivent être refaites dans l'hypothèse de la poche de pétrole abiotique et notamment pour les phosphates, aux mêmes pressions que les autres expériences.
    Tableau 2. Les processus abiotiques
    ProcessusréactionsProduitsTempérature °CPression bar
    a Vaporeformage CH4+H2O CO H2 800-900 25
    b Serpentinisation dorsales, plancher FeO+H2O H2 N2 CH4 CO2 50-300 100-10000
    c Serpentinisation subduction 15km FeO+H2O H2 (N2 CH4 CO2 ?) 200-500 6000
    d Fischer-Tropsch gaz CO+H2 Pétrole dont acides gras 220-350 25-45
    e,j Fischer-Tropsch hydrothermal CO2+H2 Pétrole dont acides gras 250 325
    f Haber-Bosch gaz N2+H2 NH3 500-600 200-300
    g Haber-Bosch hydrothermal N2+H2 NH3 700 1000
    h Haber-Bosch hydrothermal N2+H2 NH3 200 55
    i Arrhenius chauffage MgHOPO3+H2O OH(H2PO3)nH 100-500 1
    a. Vaporeformage: [19]
    CH4 + H2O = CO + H2;
    T= 800-900 °C, P= 25 bars, catalyseur: Ni, CuO, Zn, surfaces minérales.
    • Serpentinisation
    (Mg,Fe)SiO4 + H2O = Mg3Si2O5(OH)4 + Mg(OH)2 + Fe3O4 + H2 , ou bien
    olivine + eau = serpentine + brucite + magnétite + hydrogène et se résume à
    2(FeO)roche + H2O = (Fe2O3)roche + H2
    b. Serpentinisation dorsales, plancher
    Reproduction de la serpentinisation en laboratoire et modélisation :
    McCollom [20] 2009, modélisation ;
    B.W. Evans [17] 2010, expérimentation.
    Température de 50 à 300 °C, Pression de 100 bars à plusieurs kbar.
    Holm [21] 2006 : considère que sur le plancher la serpentinisation se fait de façon continue à des températures autour de 150 °C.
    c. Serpentinisation subduction à 15km
    Evans [13] (2004), (wikipedia anglais) .
    Température de 50 à 300 °C, Pression de 6 kbar.
    H2 + CO = CH4 + CnH2n+2 + CH2O + CH3OH + C2H4 + C2H5OH + (alcools et acides gras à longues chaines).
    d. Procédé industriel phase gaz : Kreutz [22]et al. 2008
    T= 220-350 °C, P= 25-45 bars; catalyseur: Fe, surfaces minérales.
    e. Conditions hydrothermales, McCollom [23]1999:
    T= 175 °C, P= 325 bars; catalyseur: montmorillonite + alumine.
    j. Fractionnement isotopique, McCollom [18]2006:
    Démonstration du fractionnement non discriminant des isotopes 12 et 13 du carbone, processus Fischer-Tropsch 23 en conditions hydrothermales, T= 250 °C, P= 325 bars; catalyseur: Fe.
    • Processus Haber-Bosch.
    N2 + 3 H2 = 2 NH3
    f. Procédé industriel phase gaz Haber-Bosch:
    T= 500-600 °C, P= 200-300 bars, catalyseur Fe, surfaces minérales.
    g. Conditions hydrothermales, Brandes [24]1998:
    T= 300-800 °C, P= 1000 bars, catalyseur Fe : pour un rapport H2O/Fe = .5, production de 17% de NH3 à 700 °C
    T= 500 °C, P= 1000 bars, catalyseur Fe3O4 dans  HCO2H : production de 0.6% de NH3.
    h. Conditions hydrothermales, Smirnov [25]2008:
    T= 200 °C, P= 55 bars, catalyseur Fe.
    i. Production des polyphosphates et leur concentration par les surfaces minérales.
    Arrhenius [4] 1997:
    Newbeyrite, Mg(OHPO3).3H2O donne des oligo-phosphate jusqu'à 9 phosphates. Pression 1 bar, chauffage de 100 à 550 °C
    de même avec brushite, Ca(OHPO3).2H2O et withlockite, HMgCa9(PO4)7.

    Hypothèses de travail pour une poche de pétrole abiotique

        Étant donné la profusion de H2 produit par la lithosphère : dorsales océaniques, zones de subduction et même dans les eaux interstitielles des roches, on est obligé de tenir compte, dans la quête de l'origine de la vie, du méthane et du pétrole abiotiques qui pourraient être produits à partir de H2 et du CO2 de la serpentinisation.
       On peut considérer ainsi 3 types de méthane dans la lithosphère suivant leur origine :

    1. Le méthane issu de la serpentinisation à des pressions inférieures à 10 kbar et une température inférieure à 300 °C, en profondeur. Les clathrates de gaz repérés dans les zones de subduction contiendraient ce méthane.
    2. Le méthane biogénique de la surface, produit par les procaryotes méthanogènes à partir de la biomasse : feu follet, clathrates des marais, lacs, permafrost et plateaux continentaux des océans.
    3. Le méthane abiotique produit au niveau du manteau supérieur à partir de carbonates et d'eau à des pressions supérieures à 50 kbar et à une température autour de 1500 °C. Ce méthane a été produit en laboratoire seulement (H.P Scott [26] et al., J.F Kenney [27] et al.). On n'a pas pu, jusqu'à maintenant, montrer son existence sur le terrain. Il est supposé se transformer en partie en pétrole et remonter par les failles ou le long des plaques de subduction.

        Je ne traites pas ici le méthane des grandes profondeurs (le type 3), car il concerne la polémique du pétrole abiotique dans le contexte de la production industrielle.

    Pétrole issu de la serpentinisation

       Qu'en est-il du pétrole produit par le processus FTT en même temps que la serpentinisation? Au niveau des dorsales, il n'est produit qu'à l'état de traces alors que le rapport H2/CH4 peut-être très élevé. Que devient cet hydrogène s'il n'est pas utilisé pour la synthèse du pétrole?

    • Sur les flancs des dorsales océaniques: diagénèse des clathrates de gaz.

    Une hypothèse émise par les spécialistes des dorsales, dont J.L Charlou [28] (Ifremer: Serpentinisation et synthèse inorganique d'hydrogène, méthane et hydrocarbures le long de la dorsale médio Atlantique), serait la formation d'hydrates de gaz de méthane piégés dans les sédiments sur les flancs des dorsales. Ce méthane serait produit directement par serpentinisation grâce à une convection hydrothermale à travers la croûte fracturée. Développons un peu cette hypothèse.
       D'abord la serpentinisation ne produit pas de méthane, mais produit H2 et produit ou concentre CO2 et N2. La production de méthane se ferait par le processus FTT après. La serpentinisation se déroule entre 50 et 300 °C et à des pressions allant jusqu'à 10 kbar. Les gaz produits par les flancs s'ajoutent à ceux déjà produits par la dorsale. Sur les flancs, loin de l'axe, les fractures sont moins profondes et la température est plus basse, et la pression augmente en descendant le flanc. Cette situation permet la production de H2 à une température modérée et favorise la formation des clathrates. La production de méthane par FTT risque de diminuer plus rapidement que la serpentinisation, car elle doit se faire à une température plus élevée (voir McCollom [23] ). Cependant plus on s'éloignera de l'axe, plus la couche de sédiments s'épaissira et la pression augmentera entrainant une augmentation de la température par gradient géothermique.
       Prenons l'exemple du gisement Tupi [29] découvert au large du Brésil, dans une zone sans subduction, sous km d'eau et km de sédiments. Avec un gradient géothermique de 30 °C/km et celui de la pression de 250 bar/km dans les sédiments, nous atteignons une température de 150 °C à laquelle il faut ajouter la chaleur apportée par la croûte, et une pression de l'ordre de 1,5 kbar. Pendant des millions d'années ces clathrates ont été soumis à des températures nettement inférieures à celle de l'optimum du processus FTT de 250 °C, et à des pression qui vont très vite dépasser les 350 bars de l'optimum pour atteindre 1 à 2 kbar. Par rapport à l'optimum, le fait que la synthèse des hydrocarbures soit exothermique, ( l'équilibre va être déplacé vers le méthane avec la baisse de la température et l'augmentation de la pression (4H2+CO2=CH4+2H2O dh=-206kj/mol ); la vitesse ralentit avec la baisse de température ; état supercritique pour les gaz et pas pour l'eau et les chaines longues), auxquelles il faut ajouter l'effet de surface du mélange sédiments/clathrates et des catalyseurs.
       L'intérêt de l'hypothèse de J.L Charlou [28] , ce n'est pas tant la production de CH4, que celle de H2 et la formation des clathrates. Les études [30] [31] [32] des clathrates sont très développées actuellement pour le stockage de l'hydrogène utilisé comme source d'énergie, la séquestration du CO2 au fond des océans et la libération du méthane par réchauffement climatique. Il n'est pas question de développer ce point ici, mais ces études montrent que les conditions de température et de pression au niveau du plancher océanique, sont compatibles avec la stabilité de ces mélanges faits de sédiments et de clathrates des gaz comme ceux issus de la serpentinisation .
       Il ne faut pas oublier la réduction de N2 en NH4+ par H2 par le processus Haber-Bosch dans un état supercritique (voir cours de Nancy pour la variation avec la pression, paragraphe 3 [33], et catalyseur au tantale: P. Avenier et al.2007 [34] ) .
       Mais aussi la libération du phosphate des hydrogénophosphates par la chaleur et sa concentration par les surfaces minérales (Arrhenius [4] ). Ces molécules sont importantes pour notre objectif de poche de pétrole abiotique. (à développer pour distinguer des fluides hydrothermaux)
       Cette hypothèse pourrait expliquer, avec la tectonique des plaques, les grands gisements de gaz et de pétrole du côté des marges passives à très grande profondeur(Tupi), les clathrates de gaz ayant migré vers les zones de subduction dans le cône d'accrétion, ainsi que les gaz de schiste par métamorphisme de ces clathrates mélangés aux sédiments, dans la zone de contact des 2 plaques.

    • Au niveau des zones de subductions : transformation du méthane en pétrole au contact des fluides hydrothemaux.

    Au niveau des zones de subductions il a été repéré surtout des clathrates de gaz qui proviendraient, d'après moi, comme on l'a vu précédemment de la serpentinisation des dorsales. On peut toujours supposer, pour notre poche abiotique, qu'une partie de ce méthane abiotique soit transformé en pétrole au contact des fluides hydrothermaux formés à de hautes pressions et de température le long des plaques en subduction. Le processus FTT serait initialisé par vaporeformage du méthane, l'ammoniac et le phosphate sont apportés par les fluides hydrothemaux (voir chapitre ammoniac et phosphate). Les volcans des zones de subduction, terminent leur activité par un rejet d'un peu d'hydrocarbures (*). Mais la zone de la plaque subduite, entre le cône d'accrétion des sédiments et le métamorphisme de l'arc volcanique, est très réduite pour pouvoir créer de grands gisements de pétrole. Par contre ce pétrole abiotique, en petite quantité localement, mais répandu sur des dizaines de milliers de km, peut constituer autant d'opportunités pour constituer des poches favorables à l'évolution moléculaire.

    • Le long des plaques transformantes:

    Les hypothèses de travail pour l'expérimentation

    Les principaux points à respecter pour l'expérimentation de l'initialisation du métabolisme dans le pétrole abiotique. sont donc :

    1. Haute pression de l'ordre de quelques kbars au début;
    2. Une température relativement faible, entre 50 et 300 °C ;
    3. Une poudre de roche qu'il faudra définir, qui simulera un dépôt sédimentaire poreux contenant des hydrogénophosphates et des catalyseurs (Fe Ni et d'autres éléments à définir suivant la littérature des procédés industriels ou expérimentaux).
    4. Du clathrate de gaz reconstitué contenant H2 CO2 N2 H2O
    5. Le H2S peut bloquer certaines réactions, aussi faut-il l'introduire petit à petit ;
    6. Si le produit obtenu se rapproche de la poche de pétrole fossile, on peut réduire la pression et la température en suivant l'évolution moléculaire pour repérer s'il y a initialisation du métabolisme ou non.
    7. Priorité à la synthèse de l'huile d'abord.
    8. Envisager des expériences de longues durées (ou les simuler) pour reproduire les temps géologiques et les processus de cristallisation.

    Parallèle avec la théorie du pétrole fossile

    31.01.2014

        C'est en lisant un article sur les bactéries qui posent des problèmes dans l'exploitation pétrolière que je suis tombé sur un schéma qui représente les intéractions entre les différentes espèces de procaryotes qui se trouvent dans une poche de pétrole fossile et leur environnement (*). Ce schéma, avec la mention des gaz et des catalyseurs, ressemblerait énormément à celui issu d'une étude sur la poche de pétrole prébiotique. C'est ainsi que:

    • Ces procaryotes tirent leur énergie des minéreaux et non de la photosynthèse, comme dans la poche prébiotique;
    • consomment les petites molécules du pétrole et les gaz. Cependant l'ammoniac et le phosphate n'apparaissent pas à la différence de la poche prébiotique, car le phosphate est un facteur limitant et certaines espèces transforment rapidement l'ammoniac en nitrates qui est à son tour utilisé par d'autres espèces pour l'énergie et la fabrication des aas;
    • des vésicules aqueuses peuvent se former dans la phase huile et des liposomes dans la phase eau et l'on est alors dans la même situation que dans la poche prébiotique pour l'évolution moléculaire prébiotique;
    • Les conditions de pression, et dans une moindre mesure de température, obligent les procaryotes à s'adapter jusqu'à atteindre les conditions nécessaires à l'initialisation de l'évolution moléculaire. C'est ainsi que nous voyons qu'aux pressions extrêmes, 1.0-1.5 kbar, les procaryotes simplifient leurs protéines qui deviennent monomériques au lieu de rester multimériques, que les chaines aliphatiques s'allongent et augmentent le nombre des liaisons insaturées (*). 
    • Nous pouvons se trouver alors dans une situation telle qu'on ne puisse plus distinguer si le procaryote a atteint le maximum de régression pour pouvoir encore le définir comme vivant ou bien si le liposome, formé dans la poche fossile et ayant subi l'évolution moléculaire prébiotique, a atteint un stade d'évolution maximum pour qu'il passe pour un être vivant. C'est à ce niveau que se pose l'énigme des procayotes endémiques des poches de pétrole fossile: sont -ils nés du pétrole ou bien on n'a pas pu démontrer encore leur origine allochtone (*)?

        La poche de pétrole fossile a l'avantage d'exister, que de nombreuses expérimentations y ont été faites pour résoudre des problèmes d'exploitation pétrolière. Ces expérimentations ont développé les techniques des hautes pressions et les conditions extrêmes de température. Cependant elles n'ont pas été faites dans l'optique de l'évolution moléculaire prébiotique. On pourrait les appliquer à la poche de pétrole prébiotique. Notamment il serait judicieux d'expérimenter une poche fossile sans procaryotes avec du phosphate, de l'ammoniac, quelques aas et des bases nucléiques pour observer l'évolution moléculaire à un stade avancé. Mais déjà au niveau de la littérature on peut étudier, toujours dans l'optique de l'évolution moléculaire prébiotique, les intéractions du milieu environnant avec le métabolisme du procaryote de la poche fossile.

    Initialisation du métabolisme dans les poches de pétrole abiotique analogues à celles du pétrole fossile

       On n'arrive pas à concevoir le métabolisme dans un milieu ouvert, non confiné dans un volume restreint de la taille d'une cellule. Quel que soit le réseau de réactions chimiques, qui s'établit à un moment donné dans un milieu ouvert, il est automatiquement détruit par le processus de diffusion. De même un réseau délimité par une paroi lipidique fermée, ne communiquera pas avec l'extérieur et du coup n'évoluera pas.
       Beaucoup d'expériences ont été faites avec les surfaces minérales, donc des milieux ouverts, pour démontrer la catalyse et/ou la concentration de molécules organiques ou minérales comme les phosphates, les acides aminés et les acides nucléiques. Mais aucune d'entre-elles ne laisse supposer une initialisation du métabolisme, à moins d'imaginer des scénarios complexes faisant intervenir plusieurs phénomènes à la fois, comme l'alternance du chaud et du froid, la dessiccation et l'hydratation, le jour et la nuit, les processus lumineux etc.
       Deux expériences ont été conduites pour confiner le métabolisme dans un liposome. Et dans les deux cas la nécessité de communiquer avec l'extérieur apparaît primordiale. Deamer [35] et al. (2002), expérimentent dans le modèle du «monde ARN» en encapsulant l'ARN dans des liposomes dont les chaines aliphatiques comportent 14 carbones pour que la membrane soit assez perméable pour laisser passer des nucléotides. Davis [36] et al. (2009) vont fabriquer une cellule artificielle minimale pouvant communiquer avec l'extérieur. Ils démontrent que l'encapsulation des ingrédients nécessaires à la réaction de formose peut produire des sucres dont des pentoses. Mais ils étaient obligés d'insérer dans la membranaire une protéine bactérienne, l'α-hémolysine, qui s'auto-assemble en un pore pour faire passer les sucres et communiquer ainsi avec l'extérieur.
       Dans ce qui suit nous allons montrer que le métabolisme peut être initialisé à travers la bicouche lipidique grâce à des pores primitifs qui permettent d'interagir avec le milieu extérieur. Que ce métabolisme aura une partie spécifique, confinée à l'intérieur du liposome, qui correspond à la notion classique de métabolisme, et une partie dans la membrane qui fait office d'interface de communication. Pour cela nous allons d'abord présenter les expériences qui prouvent la synthèse abiotique des phospholipides dans la poche de pétrole.

    Synthèse abiotique des phospholipides et la formation des liposomes dans la poche de pétrole abiotique

    • 1 - Esterification des acides gras :
    • C'est une réaction athermique, un acide comme catalyseur; rendement maximum sur plusieurs mois sans catalyseur. ( Estérification )
    • Conditions hydrothermales entre 100 et 300 °C. ( Rushdi [37] et al. 2006 )
    2a.gras + glycerol ---> diacyl-glycérol (1,2/1,3 = 1)
    7C, 2% en moyenne et jusqu'à 11% en présence de H2 (a. oxalique) et 100 °C ; plus de 34% de mono-acyl au-delà de 200 °C. Sur 72 h.
    a.gras + ethylene-glycol ---> acyl-ethylene-glycol 19C, 50% en moyenne jusqu'à 250 °C. Sur 72 h.
    Auto-assemblage en bicouche ( sans phosphate ni éthanolamine).
    • 2 - Ethoxide : CH2=CH2 éthylène, synthétisé par FTT
    • CH2 = CH2 + Cl2 + H2O ---> CH2Cl-OHCH2 + HCl éthlène chlorohydrine ( Weissermel [38] et al. 2003, p 146)
    • 2( CH2Cl-OHCH2 ) + Ca(OH)2 ---> 2 (CH2CH2)O + CaCl2 + 2 H2O Ethoxide (même réactions que propène : voir glycerol)
    • 3 - Ethanolamine
    • (CH2CH2)O + NH3 ---> OH-CH2CH2-NH2 (Weissermel et al. 2003, p 159)
    solution 20-30% NH3 , 60-150 °C, 30-150 bar. (mono+di+tri) Ethanolamine
    • HOCH2CHO + NH3 ---> (OH-CH2CH=NH) + H2O (imine, amination, glycolaldéhyde)  A.D.Aubrey et al. (2009), Fig 5 [39]
    (OH-CH2CH=NH) + H2 ---> OH-CH2CH2-NH2 Ethanolamine
    conditions hydrothermales, 50-300 °C et 200 bars; 0.1 à 0.001M/kg de NH4HCO2.
    • 4 - Esters phosphates
    • Ethanolamine + H3PO4 ---> Ethanolamine- H2PO4 + H2O 185 °C, 1 bar (web[40])
    • Glycerol + H3PO4 ---> Glycerol- H2PO4 + H2O (rac : 1 et 3) 105 °C, 1 bar (J.J Rae [41] et al. 1934, p. 143)
    • 5 - Hydroformylation: ( Györgydeák [42] et al. 1998)
    • CH2O + H2 + CO ---> Glycolaldéhyde, Glyceraldéhyde, sucres à 4 5 6 C.
    140 °C, 120 bar, catalyseur: Co+triéthylamine
    150-220 °C, 1 bars, catalyseur: Ni sur Si ou Al
    250 °C, 50-100 bar, catalyseur : Cu, ZnO, Al2O3. Ça ressemble à FTT.
    FTT produit des molécules à courte chaine quand la température est supérieure à l'optimale. McCollom [23] 1999 p.156.
    650 °C, 1 bar, catalyseur : Ag
    • 3 CH3OH + K2Cr2O7 + 8 HClO4 ---> 3 CH2O + Cr2(ClO4)6 + 2 KClO4 + 7 H2O ( web [43] )
    à la place de HclO4 on peut utiliser H2SO4, solution 25 °C, 1 bar.
    solution 25 °C, 1 bar, milieu acide :H2SO4
    • CH3CHO + HCN ---> CH3CH2OCN   lactonitrile, catalyse basique, 1 bar, puis       ( Weissermel et al. 2003, p 305)
    • CH3CHO HCN + 2 H2O ---> CH3CHOHCO2H    acide lactique, H2SO4, 100°C, 1 bar.
    • 6 - Sucres phosphates: TMP, Trimétaphosphate
    • a.Glycérique + TMP ---> 2-Glycérate-P + 3-Glycérate-P solution alcaline; ( Orgel [45] et al. 1996)
    • NH3 + TMP ---> NH2-(PO3)3 ( Orgel [46] 2004 )
    • Glycolaldéhyde + NH2-(PO3)3 ---> Glycolaldéhyde-P Mg++ pH 7 ( Eschenmoser [47] et al. 1999)
    • R-CHOH-CHO + NH2-(PO3)3 ---> R-CHOPO3-CHO 27 aldéhyde-2-P ( Orgel [46] 2004 )
    • 7 - Glycerol: CH2=CHCH3 propène, synthétisé par FTT
    • CH2 = CHCH3 + Cl2 ---> CH2 = CHCH2Cl + HCl ( Weissermel [38] et al. 2003, p 296)
    à partir de 300 °C, 85% de produit à 500-510 °C, 1 bar ; chlorure d'allyle
    • CH2 = CHCH2Cl + HOCl ---> CH2Cl-OHCHCH2Cl + CH2OH-ClCHCH2Cl (p 297)
    phase aqueuse, 25-30 °C, hypochlorate, dichlorohydroxypropane 70%, 30% respectivement
    • 2 CH2Cl-OHCHCH2Cl + Ca(OH)2 ---> 2( CH2 =O= CHCH2Cl ) + CaCl2 + 2 H2O (p 297)
    50-90 °C épichlorhydrine
    • ( CH2 =O= CHCH2Cl ) + H2O ---> OHCH2-OHCH-CH2Cl (p 302)
    OHCH2-OHCH-CH2Cl + H2O ---> OHCH2-OHCH-CH2OH + HCl   glycérol
    dans solution 10% soude caustique, 100-200 °C, haute pression.
    Ni, 60 bar. 50 °C ?

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 22 Mai 2014 à 11:10

    Paris 21.5.2014

    La réaction de formose produit un peu de glycérol par la cross-cannizzaro reaction: glycéraldéhyde + formaldéhyde ==> glycérol + formiate  (OH-).

    Takashi Mizuno & Alvin H. Weiss dans ADV in carbohydrate Chem & biochem volume 29, 1974; R. Stuart Tipson, Derek Horton; Academic press. pages 215 et 216.

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